GLEN SCOTIA
Le village de Campbeltown porte le nom de son bienfaiteur, le comte Archibald Campbell, neuvième du nom. Situé sur la côte est du Mull of Kintyre, le site est parfaitement adapté aux échanges commerciaux. Doté d’un centre de construction naval et d’un port, il ne suffisait plus qu’à produire un whisky de qualité pour ensuite l’expédier aux endroits du globe friands de malt écossais… Ce fut le cas aux 18e et 19e siècles, une période au cours de laquelle plus d’une trentaine de distilleries fut créée sur ce territoire situé en face de l’île d’Islay.
Adossé aux conséquences de l’histoire, Campbeltown n’a rien fait pour préserver la tranquillité des producteurs de whisky… Il fallait un peu de folie pour continuer d’y croire et tenter de faire exister une identité maltique aux confins du Mull of Kintyre. Créée en 1867, la distillerie Glen Scotia est la dernière à pouvoir témoigner. Son histoire est parsemée de faits plus ou moins tragiques, des événements qui ont longtemps fait penser qu’une malédiction empêcherait quiconque de produire paisiblement du whisky à Campbeltown… Mais lisez plutôt :
● 1919 : la distillerie Glen Scotia ne résiste pas aux effets de la seconde guerre mondiale, elle est rachetée par la société West Highland Malt Distillers.
● 1924 : suite à la faillite de West Highland Malt Distillers, Duncan MacCallum (le propriétaire de Benromach) accepte de relancer la production, mais il doit se confronter aux conséquences de la prohibition américaine…
● 1930 : Duncan MacCallum, ruiné en raison du krach de Wall Street, se suicide par noyade en se jetant dans le Crosshill.
● 1954 : remise en état de fonctionner trois ans après la disparition de MacCallum, la distillerie est reprise par Hiram Walker. Celui-ci est connu pour avoir imposé aux États-Unis un whisky “made in Canada“ malgré les obstacles douaniers réclamés par les distillateurs américains. Malheureusement, rien n’y fait, et malgré ses compétences commerciales Hiram Walker ne tient pas plus d’une année et doit cesser l’activité de Glen Scotia.
● 1955 : la société A. Gillies and Co récupère presque gratuitement Glen Scotia, mais doit choisir, quelques années plus tard, entre accepter une offre de rachat d’Amalgamated Distillers Products ou fermer ses portes.…
● 1984 : Glen Scotia cesse toute activité avant d’être racheté par Gibson International cinq ans plus tard.
● 1994 : nouvel arrêt de la production de Glen Scotia, il faut dire que la concurrence est rude en raison de la mode des whiskies tourbés produits juste en face (Islay).
● 2000 : des ouvriers de la distillerie Loch Lomond (le whisky du Capitaine Haddock) sont envoyés chez Glen Scotia. Et comme dans toutes les histoires qui finissent bien, la distillerie semble enfin avoir oublié sa malédiction passée pour faire de ses épreuves l’un des ingrédients de ses cuvées…
Une réputation bâtie sur le temps
Lorsque vous dégustez un whisky estampillé Glen Scotia vous ne faites pas seulement un voyage dans le temps, vous approchez du sublime né des épreuves. Plusieurs décennies de savoir-faire et de naissances de cuvées enfantées dans la douleur procurent aux whiskies Glen Scotia une personnalité complexe. Les multiples changements de propriétaires ont favorisé l’invention d’une mixité des approches, ce qui fait des single malt de Glen Scotia les références d’une identité locale. Non tourbé, les cuvées sont vieillies dans des barriques posées sur les rives du North Channel ce qui leur procure des arômes iodés caractéristiques.
Si de nos jours on évoque un style Campbeltown, c’est donc à travers l’histoire de Glen Scotia qu’il faut en chercher la source. Les fantômes du passé ne règnent pas en maître, mais procurent aux productions Glen Scotia une aura particulière. Déguster le single malt vieilli 18 ans est le passage obligé de tout amateur de whisky, de celui qui fait de ce breuvage autre chose que le simple résultat d’une distillation de malt…